Sur la route du Sud, à l’Est d’Eden



Les eaux noires sans fond viennent lécher ce rivage
où nul chemin ne conduit.
On ne peut donc s’y perdre, pourtant tous y ont échoué.
Une poignée d’âmes frileusement groupées sur cet îlot, partage chichement un destin inhumain de solitude insulaire avec, pour horizon, la brume, la pluie et les terres stériles.



La mer est seule nourricière de ces damnés de la terre. Ils y arrachent leur pitance et attendent le jour où ils pourront enfin revenir vers le monde dans le ventre en acier d’un complaisant navire. 



L’un d’entre eux, l’Évangelistas, passe souvent, déchargeant des vivres, assurant la survie et la bonne parole. Une foule tentatrice en descend comme autant de brandons, s’égaie et puis repart, honteuse mais soulagée de laisser derrière elle ces survivants maudits.


De quoi sont-ils coupables pour être ainsi punis ? Les trop nombreuses étapes du long chemin de croix qui encercle l’îlot laissent imaginer un bien horrible crime que le Diable en personne se charge de punir. Des traces de sang, parfois, viennent le rappeler.


Des Indiens qui jadis vivaient nus il ne reste personne. 
Un carré de Kawahkars, les derniers de leur peuple, y cuvent la tristesse d’avoir perdu leur foi.


Le Dieu des Blancs a semble-t-il choisi de laisser en pâture ce petit bout de terre, comme un os à ronger pour son vieil Adversaire qui, d’un trait d’humour noir, choisit de le baptiser du nom de Puerto Eden.
Nul pommier, nul figuier n’y a jamais poussé. 
La seule bénédiction est d’en être chassé.

Commentaires

Armand a dit…
J'espère que la découverte des différents canaux de Patagonie et le passage à travers fjords et baies des régions Aysen et Magellan ravissent vos sens.
Un petit peu d'histoire!
Le petit village de pêcheurs sur l'île Wellington ou vous êtes est une grande île du sud du Chili, à l'ouest du parc national Bernardo O'Higgins, dans la Región de Magallanes y de la Antártica Chilena. Elle a une superficie de 5 556 km2. Puerto Edén est le seul village. C'est sur cette île que l'on trouve les derniers descendants du peuple améridien Kawesqar (ou alakalufs).
L'île est séparée du continent par le long canal Messier du nom de l'astronome français Charles Messier.
Et il est vrai que tes photos et ton texte m'apporte un léger blues.
Par contre j'aime la procession des oranges photo 3, cela apporte un peu de couleur et de gaité dans ce paysage tristounet.
Bises a vous deux.
Armand

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