Enfer ou Paradis ?

Dimanche 23 janvier 2011
Doucement, le temps a changé, doucement le soleil a dardé ses rayons et piqué les nuages. Il a réchauffé nos corps mais ici le nuage est roi et la pluie sa princesse. Nous avons contemplé le vol des albatros, appris à reconnaître un manchot de Magellan au premier coup d’œil, nous savons maintenant différencier facile une loutre folâtre d’une otarie joyeuse. Doucement nous avons navigué sur les canaux Errazuriz, Chacabuco, Pulluche, jusqu’à la bahia Anna King. Mais qui donc était cette demoiselle ? Bouillante Irlandaise ? Écossaise intrépide ? Si quelqu’un sait, qu’il se manifeste…  La dame devait avoir du caractère si elle ressemblait à la baie qui porte son nom. Lentement l’océan s’est formé, il a pris du gros même si paraît-il, nous avons eu de la chance et navigué sur un océan d’huile. Je n’ose imaginer le sieur énervé, m’est avis qu’on se tient au port. Une navigation raisonnable dans les environs va jusqu’à une houle de 12 mètres. Les 3, 4 mètres observés à vue d’œil, c’était vraiment de la rigolade et pourtant… le cœur chavire, l’estomac proteste, les corps s’interrogent devant ce grand chambardement, les montagnes russes succèdent aux grands ploutchs de la barcasse qui rate sa vague.

La houle est large et je regrette de n’en savoir plus sur le vocabulaire marin. Je comprends pourquoi les navigateurs se font poètes pour parler d’elle, la grande bleue, pour parler de lui, monsieur océan. Mais qui l’a nommé Pacifique ? Un marin, un politique, un homme ou une femme ? En ce lieu, le Pacifique est noir d’encre mais il sait redevenir bleu quand le ciel s’ouvre au-dessus de lui, ou vert quand les alluvions le chatouillent d’en dessous. En ces instants de pleine mer, les mines se crayent, les mains s’accrochent aux bastingages, les regards ne lâchent plus l’horizon, les bonnets agitent leur pompons, les pieds aimantés au sol semblent ne jamais pouvoir se décoller jusqu’à ce qu’un mouvement contraire les projette en avant dans un déséquilibre spontané qui demande à être immédiatement corrigé. Nous ressemblons tous à des ivrognes de retour de guinche et nos sourires amers en disent longs sur l’état de nos viscères. Et ça dure et ça dure et ça dure… Finalement la position couchée s’avèrera la meilleure. Toute la nuit, le bateau glissera de vague en vague jusqu’au petit matin et l’entrée dans le canal de Messier qui nous ramènera à une navigation de père de famille. Ce matin, l’équipage se moque gentiment de nous en insistant sur le caractère clément de la traversée du golfe de la Penas, avant de nous présenter la route. Aujourd’hui c’est fête nous avons une escale à Puerto Eden et nous croiserons le Glacier Pio XI vers 17h, un programme quasi biblique en ce dimanche…

Vers midi les sirènes ont mugi trois fois pour saluer la Vierge protectrice de tous les marins qui veille au passage de l’Angustera Inglesa, juste après le Bajo Cotopaxi. Peu après, à l’Est, est apparu Puerto Eden, blotti dans les méandres d’un fiord. La main de l’homme est de nouveau là, un village tout en tôles colorées où les indiens se partagent le territoire avec quelques météorologistes vaillants. Le ciel est ici d’une pureté inouïe, mais aujourd’hui est jour de pluie et de crachin, Sieur Soleil ne daignera nous réchauffer que durant la balade façon troupeau d’otaries dans le village d’Eden.




Paradis ou enfer ? Ce n’est pas nous qui pouvons en juger puisque nous ne parcourrons ce village perdu qu’une petite heure et au pas de course. À peine aurons-nous le temps d’apprécier la nature patagone qui explose durant l’été austral. Des fleurs rouges, jaunes, des bosquets de fushias, rehaussent le vert tendre des mousses, les troncs blancs des coigues, ces arbres miniatures qui placent les bonzaïs au rang d’ordinaire, le vert sombre des ajoncs et le marron de la tourbe et des flaques. Puis nous repartirons sans regret laissant cette communauté à son quotidien, un peu étonnés qu’on puisse être de là et presque contents de repartir si vite…
 

Un peu vidés, nous regagnâmes le bateau, la pluie avait repris. Nous nous installâmes dans le comedor, sortîmes l’ordinator et tapâmes quelques lignes. Le temps n’était pas à la conversation. Prochaine étape, le glacier Pio XI. Lassée, je me dirigeais vers la cabine de pilotage, doublant les photos ratées du matin. Un vieux loup de mer m’enseigna la couleur des eaux, me signala le dauphin qui allait surgir à la proue bien avant

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