Petit matin dans le golfe Corcovado

22 janvier 2011


6h30, océan Pacifique, quelque part entre le golfe Corcovado et Archipielago. Pas d’aurore éblouissante mais un gris perle accompagné d’un air doux. Un jeune couple tourne en rond sur le pont supérieur, un marin tout de noir vêtu tripote son portable, une mouette aux ailes noires, donc ce ne doit pas être une mouette, batifole autour du bateau encore tout endormi. L’océan est bien sage, le roulis s’alanguit sans que je trouve un sommeil de bébé. Sur un bateau, en réponse à l’immensité aqueuse, le regard s’attache aux détails. En ce petit matin doux, une méditation debout à la proue me comble et me laisse calme et joyeuse, toute remplie. Méditer devant ou sur les océans est pour moi un cadeau précieux. Le sommet d’une colline ou d’une montagne, le bord d’un ruisseau, autres lieux merveilleux ne m’apportent pas la même complétude, à méditer ! L’horizon est maintenant gris pâle et sans être maladif, il laisse peu de place à la fantaisie.

Le petit déjeuner commence à 8 heures et j’ai repéré la fontaine à eau chaude qui va nous permettre de remplir notre thermos et de faire la guigne aux argentins, les plus repérables de tous sur ce bateau puisqu’ils ne lâchent sous aucun prétexte leur sacro-saint maté. Ça va faire des rencontres ou encore plus d’écriture. Alfred prépare son premier document de cours en espagnol grâce à la collaboration de Matthew Thie qui lui a envoyé par mail toutes les métaphores dans cette langue. Nous allons donc certainement repasser par Puerto Varas afin d’animer un week-end d’initiation à la kinésio, quasi-inexistante au Chili contrairement à l’Argentine, toujours aussi gourmande en thérapies de toutes sortes.
Oh, parfois il suffit de tourner la tête pour changer de décor.

À tribord, une fine langue de ciel bleu laisse apparaître les îles de l’archipel, c’est beau comme une estampe japonaise. À bâbord, le gris continue sa montée en puissance, un gros grain se profile à l’horizon, la cordillère se cache.

Quelques heures plus tard, après un crachin, après un câlin, les nuages se lèvent, le soleil perce. Après consultation auprès de ceux qui suivent, nous sommes en fait dans le canal Moraleda, au cœur de l’archipel, à vos atlas. Les légendes et les rumeurs enflent parmi nos compatriotes. Le ferry aurait dévié de sa route habituelle, nous aurions donc de la chance de naviguer entre ces milliers d’îlots minuscules couverts d’une forêt dense et ces îles majestueuses comptant chacune sa montagnette, voire sa montagne (légende qui s’est révélé archi-fausse). En fait, il n’existait aucun ferry entre Puerto Montt et Puerto Natales ni aucune route chilienne pour gagner la région de Magellan, passer par l’Argentine était obligatoire. Un armateur malin décida, il y a moins de 20 ans, d’aménager deux de ses cargos afin de transporter des passagers. L’hiver, des camions de vaches, de moutons ou de chevaux remplacent les touristes sur le pont supérieur.

 Le pire est à venir, se dit-on sur les coursives… Le Pacifique sera-il déchaîné ? À partir de 18h la vente au bar de pastilles anti-mal de mer commencera avec l’entrée dans le Golfo de las Penas, paraît-il fort bien nommé. Un avant goût du Drake ? Donc, ça va valser sur les vagues. Pour le moment l’océan contenu dans son chapelet d’îles se tient fort tranquille. Il fait le lac, il lézarde comme nous, comme les phoques qui sautent comme des dauphins, les pingouins que j’avais pris pour des oiseaux coutumiers des airs et qui plongent au lieu de s’envoler.

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