I like to be in America


28 décembre 2010, 22h30, 1 heure de retard, 10 de décalage, nous débarquons à l’EZE. Minuit en punto nous sommes à Palermo chez Ana. Papoter, dormir, deux urgences que nous saurons honorer.

29 décembre 2010, retrouver la beauté de Buenos Aires, la parisienne que je suis se sent comme à la maison, quelque chose de familier se réveille. L’autre bout du monde n'est pas mystérieux. 
Nous gourmandons et parlons à profusion à n’importe quel inconnu. Dans l’après-midi, j’appuierai mon accent français, histoire d’avoir des réponses plus lentes, de récolter des bienvenus tonitruants ; de m’habituer à l’accent chuintant, junjonant, traînant et à leur grammaire originale. 
Nous sillonnerons la ville en métro, en bus, à pied avec la même frénésie que mettent les porteños lancés dans les dernières courses avant le réveillon. Un air de vacances flotte sur la capitale. Dès demain la ville se videra, direction la Pampa, Mar del Plata, el Bolson, à chacun ses préférences. Nous ferons mille plans comme si c’était plus facile ici. Que nenni, nous n’en suivrons aucun !
À Constitucion, la gare qui mène vers le sud, nous aurons deux places pour Bahia Blanca, mais Alfred hurlera sa non envie de se taper 15 h de train si vite alors que le bus met 7 h pour rejoindre Piguë, alors nous déclinerons. Nous saurons plus tard que c’était une chance à ne pas laisser passer, tant pis. Nous y dégusterons cependant notre première parillada. Nos papilles accueilleront avec frénésie nos premiers morceaux de barbaque, ça fond sous les dents comme un pavé sur la gueule d’un flic.  
À Retiro, le terminal de bus, nous hésiterons à nouveau mais nous n’achèterons aucun billet ! 
À Recolleta, nous nous tairons, bercés par la chaleur et la foule du bus. Heureux, dubitatifs et fatigués, nous retrouverons Ana, notre hôte pédiatre à la retraite, en plein ramdam à cause de son départ imminent pour Haïti. Elle doit participer à un plan d’entraide centrale et sud américaine mais la paperasserie locale n’a rien à envier à la nôtre.

30 décembre 2010, opération change. La veille, nous n’avions croisé que des ATM - mon amour - vides ou récalcitrants ! Ici tout semble moderne mais pas forcément en fonctionnement. La méfiance est la règle ; la mendicité des enfants et des femmes en est une autre, encore plus choquante. Une fois de plus Richesse et Pauvreté se sont mises en ménage pour le meilleur et pour le pire.
Donc nous voilà Plaça de Mayo près de Florida et du quartier des banques. Ana nous a appris la veille une réalité peu commune chez nous : y’a plus de billets de banque, les ATM mon amour sont vides, Argentins sortez vos cartes de crédit ! Les lobbies du papier veulent faire pression et les rotatives tournent à vide. Obligés d’aller frapper chez les voisins brésiliens pour qu’ils impriment des pesos. Mais vous savez ce que c’est, les brésiliens… la livraison a du retard. Aujourd’hui peut-être, ou alors demain. Les biftons se font désirer, pas moyen de toucher le grisbi. C’est bien joli mais nous, on a besoin de fraîche et fissa.
Avant d’aller prier saint flouze, nous tournons autour de la place avec les mères des disparus qui manifestent aujourd’hui contre la drogue qui fait des ravages chez les jeunes, je suis de tout cœur avec elles. À côté, les anciens combattants des Malouines placardent devoir de mémoire et désir de reconnaissance. Cette génération, la mienne, a vraiment été sacrifiée dans ce pays. Nous croiserons un paquet de jeunes quinquas pas mal de guingois. Faut dire que nous élirons le soir même une turne dans un appartement partagé qui convient bien à cette population (ici ça s’appelle hostel et ça n’a rien à voir avec un hôtel, amis routards, sachez que c’est un moyen économique de survivre ici, 20€ la nuit, on change de budget par rapport à l’Asie).
Tout en tournant devant la Casa Rosada, un truc nous intrigue, des tonnes de petits bouts de papiers sont jetés des fenêtres. Un président est-il attendu, une star, une équipe gagnante ? nous peut-être ! Plus nous nous enfonçons dans le quartier des affaires, plus cette étrange neige de décembre s’intensifie. Nous apprendrons par un argentin attendri et émerveillé la tradition qui consiste une fois par an, le dernier jour ouvrable, ici le 30 décembre, à balancer par la fenêtre les vieux papiers de l’année après les avoir soigneusement découpés ou passés à la machine qui les transforme en fine lanières blanches ou colorées. Et volent les petits papiers ! C’est vrai, c’est attendrissant et jubilatoire. Ici les grands s’amusent comme les gosses à la sortie des classes et ça tombe le dernier jour de l’année. Que suerte ! Pour nous aussi puisque nous trouverons un ATM mon amour avec une longue file à ses trousses, signe évident de son abondance.
Après une longue despedida avec Ana et sa sœur autour de la question de la psychanalyse freudienne et de la jeunesse paumée, signe plus qu’évident que nous sommes bien Argentine, nous gagnerons l’hostel Nativo, à Palermo Pacifico, calle Godoy Cruz 2515. Une population interlope nous y attend.
Le soir nous nous offrirons une seconde parillada, carnée pour moi, végétarienne pour Alfred (puis nous partagerons) dans le petit restau à la esquina (au coin de la rue). Joli déco, patron sympa et je pense à Cayla.
Alors amis voyageurs si vous êtes à Paris, rendez-vous au  Rez de Chaussée, 65 Rue Letort, 75018 Paris - 01 42 64 64 39, métro Porte de Clignancourt, pour un repas autour d’une aveyronnaise attitude bien incarnée. Et si vous êtes à Buenos Aires, rendez-vous à la Donca, 4799 esquina Godoy Cruz 1425 Cuidad Autonoma de Buenos Aires … pour un repas bien carné.

31 décembre 2010, le Dakar s’apprête à quitter la capitale à minuit depuis l’obélisque de l’avenue 9 de julio. En attendant, les derniers préparatifs attirent une maigre foule à côté de notre hostel. Nous faignantons, tournons autour de nos ordis, papouillons nos vœux de bonne année, mettons en ligne la Thaïlande puis nous remettons le tout au lendemain (illustrer les posts est toujours très fastidieux et long) pour une petite promenade citadine. Le Jardin botanique est fermé, dommage. Nous savourons la chaleur estivale balayée par un petit vent océanique de bon aloi et déambulons dans les rues, bien décidés à acheter de quoi nous concocter un petit réveillon auprès de quelques camarades esseulés.
Un jeune colombien de 20 ans, Antonio, nous demande avec candeur si nous restons à l’hostel pour la soirée et nous propose un verre de cidre et un sandwich à la viande (of course) en partage. Nous irons de nos mini-sandwich toastés : pain complet, philadelphia, tomate, mortadelle, fromage, d’une petite salade pepino con tomate y cebolla (concombre, tomate, oignon), le grand classique. Le tout accompagné d’un petit blanc des familles et nous voilà 11h 30 en compagnie d’un libraire éméché, d’un cordobès tranquilo, d’un colombien tout mignon, d’un gardien de nuit bien aigri, pour lever notre verre à cette fin d’année, nous embrasser avec force avant de sortir contempler les feux d’artifice qui pètent de partout, une gabegie de son et de lumière !

En quelques jours, nous avons déjà eu plusieurs échanges passionnants : Freud, sa vie son œuvre ; nazisme appliqué via feugerie locale face à peroniste moyen (chaud bouillant la discussion) ; exactions russe sur la population roumaine durant la seconde guerre mondiale ; carte touristique du nouveau Medellin, si clean, si moderne ; hommages exaltés à la culture française et son rayonnement (y’a bien que les argentins pour croire encore à ça) ; grandeur passée et misère présente du peuple argentin ; régime indien : un seul repas hyper-protéïné et le reste du temps du maté et rien que du maté (à tester ! ndlr : Alfred est à – 9 kg depuis le départ, moi je n’ai pas de référence poids par rapport au départ mais rien d’extraordinaire à signaler. Cependant je le répète : zéro cigarette depuis le départ et un double menton en voie de disparition)…
Bref on s’ennuie pas ! À suivre…

1 janvier 2011, toujours à Buenos Aires. J’écris en ce matin tranquille avec Nocomment-tv en bruit de fond : que des images de l’actualité dans le monde entier, du quasi-direct, pas de commentaires, quelques ITV, des docus, quasi pas de pub y nada mas, pas mal ce concept !

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