Ouest pas si terne
À 12h15, un mini-bus bondé nous emmène à Los Antiguos, petit village sur les rives d’un lac, à un jet de pierre du Chili. Nous avons une demi-heure à passer dans le terminal de bus moderne pour acheter des sandwiches et surtout un nouveau billet pour un autre mini bus jusqu’à Chile Chico qui, comme son nom l’indique, est de l’autre côté de la frontière. Les places sont comptées et nous sommes chanceux d’en obtenir deux. Parmi les passagers, un groupe d’israéliens joyeux et bruyants et un couple de belges très sympathiques, François et Luis (enfin, pas si belge que ça puisqu’un est portugais et l’autre vendéen).
Nous avons droit aux sempiternelles et pointilleuses formalités douanières tandis que l’heure tourne. Nous espérons embarquer sur le ferry qui assure la liaison Chile Chico – Puerto Ibañez en traversant un lac schizophrène qui s’appelle Lago Buenos Aires en Argentine et Lago General Carrera au Chili.
Nous quittons les gabelous à 14h50, le bateau doit partir à 15h00 et nous n’avons pas de billet.
Le chauffeur du bus commente la complexification des formalités à une frontière qu’il traverse trois ou quatre fois par jour. Dans sa jeunesse, on passait à pied ou à cheval la rivière limitrophe, on allait au bal ou jouer au foot les uns chez les autres sans faire de différence. La construction du pont, de la route et du poste frontière a paradoxalement créé un fossé au lieu de faciliter les échanges.
Il me dit qu’il n’existe aucun arrêt de bus clairement déterminé, alors il va d’abord nous conduire au ferry avant de revenir au centre pour déposer les autres passagers. Pour faciliter la manœuvre et détourner l’attention, il choisit de passer une balade en hébreu à l’auto radio. C’est ainsi que nous nous retrouvons avec un groupe de jeunes Israéliens chantant et tapant des mains dans un minibus aux confins de la Patagonie chileno-argentine. Grand moment.
Le ferry est encore à quai. Il va d’ailleurs y rester encore une bonne heure que nous passons à poireauter sous un soleil brûlant. Embarquent d’abord les véhicules puis les passagers munis de billets. Nous faisons partie de la petite foule inquiète des imprévoyants et nous devons attendre le bon vouloir des autorités portuaires à autoriser un surplus de passagers. Nous sommes alignés, comptés, recomptés, menacés et enfin embraqués pour deux heures de traversée d’un lac aux eaux aigue-marine. Les rives sont d’une beauté sauvage avec des collines rondes, nues et vierges que la pureté de l’air rend toutes proches.
À l’arrivée, rien ou presque : un débarcadère rudimentaire, un entrepôt et quelques mini-bus pris d’assaut. Le village de Puerto Ibañez où nous pensons faire étape pour la nuit reste invisible. Nous obtenons les deux dernières places dans un bus, embarquons sans en connaître la destination et nous voilà repartis. Nous traversons le minuscule village qui était caché par des peupliers puis nous quittons la magnifique vallée verdoyante et cultivée au cœur de laquelle il se niche.
Nous parcourons ainsi plus de cent kilomètres jusqu’à Coyhaique. La route au milieu des montagnes est superbe. Le contraste est saisissant entre les terres arides du côté Argentin et les paysages verdoyants, le foin coupé, et les petites fermes à dimensions humaines du côté Chilien, dûs à la barrière de la Cordillère qui arrête les nuages venant du Pacifique.
Nous arrivons aux alentours de 20h00 et dégottons une chambre à 20000 pesos (30€) dans la Residencia Monica. Nous retrouvons avec plaisir les constructions en bois et leur ambiance chaleureuse. Nous devrons pourtant attendre le lendemain 7h00 pour avoir de l’eau chaude. Dans un denier effort, nous sortons faire des courses et revenons dîner dans la piaule.
Aujourd’hui, notre voyage improvisé a démarré à 5h30 à Comodoro Rivadavia au bord de l’Atlantique en Argentine. Quatre bus et un ferry plus tard, nous nous couchons au Chili, à 50 km du Pacifique. Dans la journée, nous avons traversé un continent de part en part.
Pas mal, non ?
Joie des transports et transports de joie
Le lendemain, il fait encore incroyablement beau à Coyhaique. En deux jours, nous avons l’impression d’avoir retrouvé notre hâle tropical de Thaïlande.
Cette ville de 45000 habitants est typique du coin avec ses magasins, ses maisons en bois peintes de couleurs vives, ses rues à angle droit et son petit parc central. Aujourd’hui, les fontaines sont envahies de gamins qui y pataugent pour tenter de se rafraîchir. Nous tombons sur un kiosque d’information touristique tenu par un jeune gars incapable de nous renseigner mais nous commençons à avoir l’habitude.
Nous sommes le 10 février et mon stage d’initiation à la kinésio commence le 17 à Puerto Varas. Plutôt que de remonter par la Ruta 40 qui nous ferait passer à nouveau par Bariloche et Villa la Angostura, nous avons choisi de le faire par la Carretera Austral. Nous y avons été encouragés par le couple de Français rencontrés dans le bus pour Rio Gallegos, même si le Lonely Planet recommande de l’éviter. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on ne veut pas passer par l’Argentine, on doit prendre un bateau donc, direction les guichets de Naviera Austral, la compagnie maritime qui assure les liaisons.
Nous sommes le 10 février et mon stage d’initiation à la kinésio commence le 17 à Puerto Varas. Plutôt que de remonter par la Ruta 40 qui nous ferait passer à nouveau par Bariloche et Villa la Angostura, nous avons choisi de le faire par la Carretera Austral. Nous y avons été encouragés par le couple de Français rencontrés dans le bus pour Rio Gallegos, même si le Lonely Planet recommande de l’éviter. Quoi qu’il en soit, lorsque l’on ne veut pas passer par l’Argentine, on doit prendre un bateau donc, direction les guichets de Naviera Austral, la compagnie maritime qui assure les liaisons.
Malgré les différentes voies possibles, les prochaines places disponibles sont le 15 février sur le Don Bosco qui relie Chaitén à Quellón à la pointe de l’île de Chiloé.
Du fait de l’avarie de l’Evangelistas, les autres ferries sont pris d’assaut. Il nous faudra remonter au plus vite à Puerto Varas dès notre arrivée à Quellón. Pas le temps de faire du tourisme à Castro car il ne restera que le 16 pour nous reposer et surtout faire tirer les documents de cours en espagnol que nous avons dû créer à partir de documents en français retrouvés sur mon ordi. J’ai même contacté par mail Matthew Thie en lui expliquant ma situation et il m’a fort obligeamment transmis une version numérisée en espagnol des métaphores du TFH dans laquelle j’ai pu trouver les noms des muscles et des méridiens. Super !
Munis de nos précieux billets, nous allons au terminal de bus pour connaître les horaires du Coyhaique-Chaitén.
Il n’y a pas de bus direct et deux options se présentent à nous :
Faire étape à La Junta puis après deux changements arriver le matin même du départ du ferry à Chaitén ou bien par une autre compagnie faire une étape à Villa Santa Lucia et arriver à Chaitén la veille du départ. Nous choisissons prudemment la deuxième solution qui nous fait prendre le bus du lendemain matin. Cela nous laisse une journée de repos, écriture, promenade et bronzette au soleil du (fameux micro) climat de Coyhaique, celui qui rend cette ville si photogénique même si l’on y patagonise de chaleur.
Le samedi matin, à l’heure du départ, nous retrouvons Luis et François, nos copains belges qui remontent en Argentine par la carretera austral.
Le temps a changé pour virer à la pluie. Notre bus, un vieux Mercedes méritoire conduit par un autre Luis, transfuge de l’industrie nucléaire, attaque vaillamment une route goudronnée qui serpente au fond d’une vallée de plus en plus encaissée.
Sentiers de naguère
La jungle froide est superbe, dense, humide, bruissante. Le vert se disputant au vert, les plantes s’enchevêtrent à qui mieux-mieux ; les arbres poussent du tronc à la conquête du ciel ; les nalpas, sorte de rhubarbe géante, donnent un ton tropical ; les fushias arborifères déploient leurs branches colorées et tâchent le vert de rouge sombre.
Quelques arrêts bienvenus dans des villages improbables nous permettent également de nous détendre pendant quelques minutes mais très vite Luis nous rappelle à petits coups de klaxon.
Puyuhuapi : 30 minutes d’arrêt ! Le petit village propose de multiples épiceries, hospedajes et restaurants dans lesquels nous entrons sans méfiance, heureux de trouver des toilettes, une boisson chaude ou bien de quoi déjeuner. Erreur ! Ici, la loi de l’offre et de la demande bat son plein. Tout se monnaye, depuis le petit pipi (200 pesos) jusqu’au nuage de lait dans le thé (200 pesos en sus) et, bien évidemment, le pain et autres sauces pour ceux qui ont le malheur d’en vouloir pour accompagner leur plat. Si t’es pas content, va voir ailleurs. Le prochain bled est à deux heures. À Puyuhuapi, le touriste est pris pour une vache à lait.
Il est temps de repartir. Prochaine étape, La Junta. Nous continuons jusqu’à Villa Santa Lucia où nous laissons ceux qui partent vers l’Argentine et notamment Luis et François. Nous arrivons vers 18h00 après un périple humide et cahoteux de plus de dix heures. Quelques maisons en bois bordent la route sur un seul côté. Deux ou trois rues perpendiculaires. C’est à peu près tout.
À la descente, nous nous réfugions sous l’appentis bien venu d’un petit magasin. Un chilien, Guillermo, un couple de jeunes hollandais, Anna et Bram, une allemande, Zita et nous. Nous devons passer la nuit ici pour attendre le prochain bus vers Chaitén le lendemain matin.
Première bonne nouvelle, la patronne du magasin nous propose un lit pour 4000 pesos par personne. C’est spartiate mais très convenable et il y a de la place pour tout le monde. Comprenant notre situation, elle nous offre ensuite de nous fournir le repas du soir et le petit déjeuner en plus de l’hébergement pour 7000 pesos le tout. Après notre cuisante expérience de Puyuhuapi, c’est un soulagement.
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