Daymàn, les eaux de la Pachamama







Arrivée marathon
Le soleil décline sur la route rouge, la jungle s’assombrit doucement jusqu’à disparaître dans la nuit. Comment vit-on derrière ces murs végétaux où quelques chemins semblent aboutir dans un trou noir ? 
Nos places en semi cama s’avèrent d’un inconfort notable. La nuit sera hachée, bondissante de posture en posture, ronflouillante, parsemée de râleries à la capitaine Haddock, une passagère confondra la tête d’Alfred avec un repose-pied. À 6 h du mat le bus nous lâche sur la grand route à une encablure de Concordia. Il fait froid, un seul taxi assure la liaison avec la ville à une quinzaine de kilomètres. En bon taxi, il nous annonce un prix double à celui annoncé par les employés de la compagnie de bus (ceci dit, les employés de bus ne reculent devant aucune désinformation pour vendre un ticket, la concurrence fait rage). Il nous reste 40 pesos en poche, le taxi est seul, nous sommes pris au piège, faut raquer, ma taxihaine remonte en flèche, adieu pesos ! Nous ratons la correspondance pour Salto, situé de l’autre côté de la rivière Uruguay, en terre éponyme, à 3 mn près. Le prochain bus est à 11h, les boules. Autre solution la lancha (le bateau) qui part à 8h30. Le port étant à 20 quadras (gros pâtés de maisons), le taxi s’impose et une tirette à soussous itou. La tirette à portée de pas est vide, ça râle de plus en plus sous un froid qui pèle mais un taxi sympa (7 fois) accepte de nous faire confiance et fait un détour par le centre ville afin de dégoter de la fraîche avant de faire causette avec nous devant le guichet du port, encore fermé en ce bon matin frileux. Faut dire on lui tend un gros billet de 100 pesos et faire de la monnaie ici est un problème épineux. L’employée arrive à 8h25 pour commencer la longue opération vente de tickets puis passage de la douane, nous décollons en retard et traversons la rivière aux allures de fleuve avec la joie des marins d’eaux douces.









Le douanier amoureux
Si Concordia s’est développée loin des rives de la rivière capricieuse, Salto sa moitié urugayenne a profité d’une colline pour jouer les villes portuaires. De vieilles grues belges nous accueillent d’un solennel inclinement de leurs leviers rouillés puis nous arrivons devant un étrange douanier aux lunettes noires, aux gestes rudes, les épaules rentrées. Alfred étant aux toilettes, il m’accueille dans un anglais farfelu et comme d’hab je réponds dans un espagnol bourru. D’un geste il désigne mon sac et je me résigne à une fouille plus ou moins profonde. Puis pris d’une soudaine curiosité et devant l’arrivée d’Alfred, il nous demande d’où nous venons, puis de quelle ville. Au son de Toulouse, il en tombe ses lunettes, nous sourit enfin et abandonne la fouille des bagages. En s’inclinant respectueusement vers le sol qu’il désigne d’un doigt tremblant, il déclame : “Gardel est passé là !”. Nous contemplons le carrelage vieillot, souriant sous cape. S’en suivra un historique très patriotique. Oui Gardel est né à Toulouse mais d’une famille uruguayenne, son jockey (jinette) était de Salto. La milonga et le tango sont également nés à Montevideo. Ah, rigole-t-il car il n’y avait pas tant de criollos (noirs plus ou moins métissés) et de mauvais garçons en Argentine qu’on se le dise… Il en profite pour ajouter que le maté et l’asado sont également uruguayens… Amen. Nous hochons la tête, ça promet !
C’est vrai, qu’Argentins et Uruguayens se ressemblent vraiment : même addiction à la bouilloire et à la bombilla, même amour pour la viande et le vin même si la bière tient haut sa place. Quasi le même drapeau ! Encore un coup des Anglais que la division arrangeait, nous lâchera une  Argentine, sinon nous n’aurions formé qu’une seule et belle nation. 1810, indépendance de l’Argentine, 1811, celle de l’Uruguay. Les bi-centenaires battent leur plein dans le coin. L’ambiance du pays semble toutefois plus tranquille, plus tatillonne aussi.
Dans les rues, les gens nous renseignent avec gentillesse. Un évangéliste, sauvé de la drogue grâce à la parole de Dieu, nous propose son aide sans qu’on ne demande rien. Nous le croiserons par hasard trois fois durant notre séjour et il s’interrogera beaucoup sur les signes divins (aux longs cous) qui semblent trompéter de joie.
Après un cafe media luna (café croissant), nous prendrons le 15, direction Dayman et ses eaux chaudes. Mal renseignés (faut bien une fausse note), nous descendrons trop tôt et nous traînerons nos sacs sur les chemins caillouteux à la recherche d’un hôtel. La manœuvre sera longue et à la nuit tombante, nous tomberons épuisés sur notre lit au fond d’une impasse. Ainsi commence la série des chambres à l’ambiance utérine, l’accouchement approche, nous baleinons et entamons nos trempettes dans les eaux matricielles ! 







L’eau de la Pachamama
Les hommes cherchaient du pétrole… Ils forèrent jusqu’à 1200 mètres et trouvèrent de l’eau. Une eau pure qui surgit entre 36 et 41°, minéralisée et douce à la peau, une eau aux multiples vertus, mille fois lavée, purifiée par les couches successives de basaltes et de sables puis mise à l’abri dans les entrailles de la terre, jusqu’à ce qu’un trépan vienne la faire jaillir à la surface. 
Cette eau fait partie de l’aquifère Guarani, enjeu de toutes les convoitises et pas des plus nobles en ce moment en Amérique Latine. Suivez les quelques liens pour en savoir plus, encore un sujet qui mérite réflexion et notre attention.



Nous ignorions cet enjeu en trempant nos corps dans une des piscines des thermes municipaux de Dayman, petite station thermale à une dizaine de kilomètres de Salto. Pour la modeste somme de 70 U$P (soit 2,7€), l’accès aux 11 piscines est libre pendant toute la journée. Une foule de précautions t’invite à ne pas abuser et à remercier pour l’inestimable cadeau offert par dame nature. Chaque bain sera digne d’un baptême et je saluerai la Pachamama à chaque fois que mon orteil touchera le précieux liquide. 
Pour avouer certaines de mes addictions, je note en tête de liste les massages et les eaux thermales, de mers, de rivières, des lacs et même des piscines (faute de merles…). À la moindre occasion, je trempe, je barbotte, je tchimpe, nageotte et fais la planche avec un bonheur sans cesse renouvelé. Mais là mes amis, ce fut un couronnement, une eau pareille c’est du caviar, du champagne, de l’or. Elle glisse sur la peau comme aucune autre, elle t’embarque en douceur, elle te berce, te calme, te fortifie.
Bien sûr, le premier jour mes toxines ont râlé et m’ont flanqué un mal de tronche sévère, ok ! Le lendemain désordre intestinal et autres purges puis les réparations ont commencé. Nous nous transformons en curistes heureux en moins de deux, nous picolons des litres de flotte, nous nous baignons consciencieusement 3-4 fois par jour, nous marchons et écrivons le reste du temps. Le seul bémol, la bouffe, bof, bof, lavez de l’intérieur, les milanaises et autres choripans (saucisses dans du pain) ça le fait pas ! Mais comme un bonheur ne vient jamais seul, c’est la saison des oranges et le jus coule à flot, frais et délicieux. Alfred dégotera un jeune gaucho pour quelques balades équestres.
Je trouverai un jeune baba comme il en reste tout plein par ici pour un massage ni plus ni moins mais c’est toujours bon un petit bichonnage. Nous pensions rester 3-4 jours, nous en partirons poussés par un Rdv à Buenos-Aires avec une grosse pointe de regret au bout de 10 jours plus rapides que l’éclair.
















Commentaires

Armand a dit…
Peut être que l'accouchement se fera dans l'eau, purifié de toute vos toxines corporelles et intérieur, peut être avez vous croisé dieu, peut être que le cheval t'apportera la vitesse et la fougue de tes 20 ans, peut être que les oranges apporteront la douceur d'un nounours en peluche, peut être que la sorcière a vélocipède par magie vous fera renaitre, peut être qu'un bon bâillement reposera ton esprit, finalement un simple geste de la main vous dit merci.

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