Thaï messages (suite)


Koh Jam Session   

Nous sommes le 3 décembre, veille de l’anniversaire de Johana qui va fêter ses 20 ans  en Thaïlande, la veinarde.
Pour l’occasion, nous sommes attendus à Koh Jum, une île située entre Krabi et Koh Lanta, annoncée comme un autre petit paradis beaucoup plus préservé du tourisme de masse. (J’avais compris Koh Jam et l’avais baptisée l’Île Confiture).
Sébastien nous a fait l’article de Joy Bungalows et surtout de Mister Yo chez qui la java doit se dérouler.

Nouvelle plage, nouvelle ambiance. Koh Jum est beaucoup moins courue que Lanta et Phi Phi, ses voisines et c’est tant mieux.
Joy bungalows est implanté au bord d’une plage immense et quasi déserte.
D’autres hébergements discrets l’émaillent  sans tapage.
La tentation du cocooning y est grande, même si l’électricité n’y est disponible que de 18 à 22H00.
Il faut traverser la jungle par des sentiers souvent boueux pour atteindre le village de pêcheurs de l’autre côté de l’île, où quelques boutiques et restaurants vous accueillent avec nonchalance.

Nous décidons le premier jour de marcher le long de la plage vers la pointe Sud où émergent quelques récifs. Nous avons la bonne surprise d’y découvrir un bar, une collection de bungalows accrochés aux rochers, voire perchés sur des arbres et, surtout, deux masseuses qui nous proposent leurs services.
Profitant de la marée basse, nous continuons notre exploration tout en récoltant des coquillages destinés à fabriquer un cadeau d’anniversaire pour Johana.
La plage est propre alors qu’elle n’est pas entretenue. On trouve bien quelques sacs plastique accrochés aux racines des arbres, mais assez peu finalement. Je découvre malgré tout un petit panier rejeté par la mer, bien pratique pour porter nos chaussures et nos coquillages. Nous concentrons notre cueillette sur des coquilles de moules géantes, type éventail d’andalouse, car le grand-père de Johana est ostréiculteur.
Nous arrivons ainsi aux premières maisons du village . Ce sont les logements des moines bouddhistes qui animent le temple local.

À notre vue, deux d’entre eux nous interpellent et nous invitent chez eux. Ils nous montrent les mobiles, colliers et suspensions qu’ils fabriquent avec des morceaux de corail, des petits cailloux et autres coquillages plus ou moins cassés dont ils ont rempli une panière. Ils nous offrent de l’eau et du café… et tout leur stock ! Au bas mot, vingt kilos. Comment refuser sans les vexer ? À l’aide de force mimes, nous leur expliquons que leur présent est trop lourd. Qu’à cela ne tienne, ils évoquent l’utilisation d’un taxi. Nous finissons, en chantonnant « happy birthday to you », par leur faire comprendre que nous cherchons seulement à fabriquer un cadeau d’anniversaire. Ils mettent aussitôt à notre disposition un poinçon et de la ficelle et courent chercher quelques superbes spécimens de gros coquillages qu’ils nous offrent en préconisant un usage de cendrier. Des cendriers bénis, voilà qui n'est pas banal comme cadeau d’anniversaire pour ses vingt ans, hein ? Surtout s’ils ont accompagnés d’une guirlande de vingt coquillages amoureusement assemblés par Catherine.


Nous les quittons et traversons le village de pêcheurs avant de rentrer à Joy Bungalow, non sans nous perdre un peu dans la jungle, pour la plus grande joie des moustiques friands de peaux blanches. Salauds !
Nous retrouvons Seb et Jo qui nous disent que nous sommes tous attendus chez Yo pour dîner.
À écouter Seb, Mister Yo le tatoueur de Koh Jum et Mister Bob, pilier du Seed Bar de Krabi, seraient des figures incontournables des îles alentour et la seule évocation de leurs noms ouvrirait bien des portes.


Il nous présente comme un honneur le fait d’être accueilli chez Yo Tatoo.
Notre hôte fait table ouverte, installe une sono, une boule disco à moteur et c’est reggae à fond jusqu’à plus soif. En prévision de la fête, je lui offre plusieurs CD de musiques diverses que j’ai gravés depuis mon ordi et qui reçoivent un accueil chaleureux.
Nous allons acheter quelques Chang à partager et passons une soirée sympathique, même si l’activité principale de la plupart des convives masculins reste d’alterner alcool et « bambou », ingénieux système de pipe à eau, tout en matériau naturel, dont l’usage occupe une bonne part de la journée de certains. Yo veille à tout, il cuisine, sert, prépare, répare, installe…
Le retour avec Johana constituera le premier d’une longue série de jungle trips nocturnes à Koh Jum.
Le lendemain, nous mettons la dernière main à la préparation de nos cadeaux. J’ai décidé d’offrir à Jo un exemplaire de mon bouquin sur lequel j’ai dessiné la plage, ses cocotiers, ses longtails et Phi Phi en fond. C’est la première fois que je me lance et que j’utilise le matériel à dessin que je traîne dans mes bagages depuis Toulouse.

Par le ferry du matin arrivent Mr Bob et Juhm, la gérante du Seed bar. Yo s’est déplacé pour les accueillir. Seb est aux anges, ses deux héros sont là, la fête sera belle.
Nous les rejoignons chez Yo à la nuit tombée, accompagnés de Jo, un Californien aux allures christiques que nous croisons régulièrement depuis quelques jours.

Nous rencontrerons également Peter le Canadien et Brandon l’Australien.
Yo a installé des tentures et des bancs dans sa cour. L’éclairage provient de lampes fabriquées à partir de mèches plongées dans de petites bouteilles remplies de pétrole et attachées au bout d’un bambou fiché dans le sol.
Il a même organisé un fire show qui se révélera de grande qualité, que ce soit au bâton ou aux bolas.

Nous offrons nos cadeaux à Johana, dont le regard mouillé témoigne, à leur ouverture, qu’ils lui font plaisir. L’épisode des coquillages-cendriers bénis recueille un franc succès.
Lors de ces deux soirées, il a plusieurs fois été question, avec l’un ou l’autre, d’aller pêcher le barracuda. J’attends mon heure pour relancer le sujet.
La journée du lendemain sera consacrée à flemmarder, nous promener et nous faire masser.
Le jour suivant, Sébastien et Johana embarquent pour leur retour en France. Pour eux, les vacances touchent à leur fin. Ils partent avec Bob et Juhm. Yo et Nan, sa femme, sont du voyage. Ils vont consulter à Krabi car elle est enceinte de leur deuxième enfant. Lorsque je demande où louer une mobylette, Yo me tend spontanément les clés de son scooter. L’île est à nous !
Nous décidons d’aller en explorer l’autre bout en empruntant la piste principale. Nous traversons ainsi l’autre face du décor, les plantations d’hévéas, les hameaux, pauvres mais entretenus. La proximité de la plage s’accompagne souvent de la présence d’un resort. Rien de luxueux, même si l’on en trouve de différentes catégories.

Plaques de latex séchant sous les hévéas
Nous poussons jusqu’à Koh Pu, l’autre village de l’île, encore moins touristique que Koh Jum. Une fois encore, nous apprécions l’autonomie de mouvement qu’offre un deux roues. Surtout lorsqu’il fonctionne. En effet, la meule de Yo montre des signes de faiblesse. En premier lieu, une panne d’essence. Nous serons secourus par une serviable demoiselle qui, enfourchant son propre scooter, ira jusqu’à l’épicerie la plus proche pour nous rapporter un litre de carburant. Ensuite, notre monture se met à caler de plus en plus régulièrement, suscitant chaque fois l’arrêt de ceux qui nous croisent ou qui nous doublent et qui nous proposent leur aide. Nous constaterons ainsi que la plupart d’entre eux reconnaissent la mob de Yo. L’île est petite.

Lors d’une ultime tentative de redémarrage, c’est l’un des très rares automobilistes de l’île qui s’arrête. Aidé par deux bonnes âmes qui ont diagnostiqué une surchauffe du moteur, nous chargeons le scooter à l’arrière de son pick-up. Il nous conduit à la station suivante – un bidon de 200 litres équipé d’une pompe manuelle – et nous remettons du jus. Le trajet a suffi pour que notre engin accepte de redémarrer. 

Nous le descendons et repartons jusqu’à Joy Bungalows. 50cm3 fatigués, c’est un peu léger pour nous trimballer sur les pistes défoncées de Koh Jum, surtout que Yo ne doit pas dépasser les 60 kg et ne parlons pas de Nan.



À notre arrivée, nous rencontrons Jean-Paul et Flo, un couple de montpelliérains qui débarquent d’un séjour éblouissant aux îles Sulawesi. Nous ne nous quitterons plus jusqu’à notre départ.
Le lendemain, le ferry ramène Yo et Nan. Le futur bébé est une fille.




Je relance l’idée d’une journée de pêche. 

Jean-Paul et Flo sont également partants. Yo nous promet qu’il s’occupe de tout. Rendez-vous est pris pour le soir même afin de régler les derniers détails.



En fait de détail, c’est le règlement qui va poser problème. Un gros malentendu apparaît car là où j’avais pensé à un plan de copains à pas cher avec un pêcheur sur un longtail, Yo a réservé un gros bateau, avec deux marins, un équipement complet et annonce la journée à 10000 Baths. Devant notre refus, il me dit être embêté car des frais auraient été engagés, bref, c’est l’impasse.

Nous allons nous coucher pensant avoir été clairs et entendus quant à notre refus de partir en mer.
Le lendemain à 7H00, Yo vient frapper à notre porte disant que le capitaine nous attend. Il me presse de venir lui parler. Après négociation, nous nous mettons d’accord pour 5000 Baths. C’est un tarif raisonnable pour cette prestation, le bateau offre un confort certain avec de l’ombre, une cuisine à bord, des cannes à pêche et un moteur relativement silencieux dans la cale, mais j’avoue que mon plaisir a été gâché par toutes les négociations préliminaires. De plus, notre départ a lieu vers 10H00 alors qu’il était initialement prévu à 6H00, moment bien plus propice à la pêche.

Au retour, Yo se propose de cuisiner pour nous les poissons que nous avons gardés après le partage.
Cette journée en demi-teinte donne le signal de notre départ. Nous décidons de le programmer au surlendemain.
Nous passons une dernière journée de farniente avec Jean-Paul et Flo auxquels je montre le test musculaire sous l’œil connaisseur de Peter, cinquantenaire né en Crête et vivant en Australie depuis plus de vingt ans. Personnage intéressant qui en viendra à prophétiser une future rencontre entre nous dans son pays d’élection. Inch’ Allah ! Il suffit que son corps résiste encore quelques années à sa consommation quotidienne de Sang Som pour lequel il manifeste un penchant prononcé.

Koh Jam, l’île confiture, malgré son calme et une certaine authenticité, conserve encore aujourd’hui pour moi une saveur d’orange amère.


Une fois encore, la barrière de la langue a empêché une communication claire et fait planer un doute quant à ce qui motive les relations entre les Thaïs et nous.






Malgré toute notre bonne volonté, la frontière est décidément bien floue entre les statuts de 



Touriste, de Voyageur, d’Étranger (farang), d’ami ou bien de Couillon sur pattes…








Que le grand cric me croque

« Krabi ! Krabi ! Krabi ! »
L’appel est lancé. Il est l’heure.
Nous nous harnachons avec nos sacs à dos ; le grand derrière, le petit devant.
Le longtail de Joy Bungalows nous attend sur la plage. Belle embarcation en bois verni, à la proue phallique, ornée de tissus bénis aux couleurs chatoyantes et équipé d’un moteur de voiture à échappement presque libre qui démarre à la manivelle. Monté sur pivot, ce dernier entraîne une hélice fixée au bout d’un arbre de plusieurs mètres qui lui donne des allures de mixer. D’où le nom de longtail , longue queue, embarcation traditionnelle de cette partie du monde.
Nous pataugeons jusqu’à lui et grimpons à bord. Direction, le large, vers le point de rassemblement des longtails affrétés par les différents resorts de la plage, ces hôtels qui proposent des bungalows les pieds dans l’eau, autour d’un bar et d’un restaurant.
L’attente est de courte durée car voici arriver le ferry de Koh Lanta à Krabi, régulier comme un métronome.
Un signal imperceptible donne le départ d’un superbe ballet nautique. Dans un grand mouvement tournant, les petits longtails se lancent à l’abordage du ferry complaisant.

Nos marins viennent l’accoster en poussant de grands cris, tels leurs ancêtres pirates. Mais aujourd’hui, leur but n’est pas de terroriser les passagers, ils annoncent seulement leur destination : Joys Bungalow, New Bungalows, Free Bungalows …
La mer d’Andaman est calme et la manœuvre parfaitement rodée. Nous transférons nos sacs dans le ventre du ferry et sautons à bord.
De nouveaux arrivants nous remplacent sur le longtail. L’échange dure quelques minutes à peine avant que le grand navire blanc ne redémarre, impatient de renouveler l’opération, plus loin, au large d’une autre plage.
Nous nous installons à l’intérieur, sur les sièges modernes et confortables de cet autobus des mers. Retour au présent.




Commentaires

Armand a dit…
La fin d'une aventure en pays inconnu en dit long sur celle-ci, partager c'est aussi, accepter de palabrer, de négocier et de refuser, mais je pense que le plus important et de vivre l'instant, vous êtes au bout du monde, vous avez déjà traversés de nombreux territoire, vos photos et vos témoignages montrent que votre voyage est bien plus rempli, de goût,d'odeur,de douceur,de rencontre,de partage et d'ouverture, l'aventure pêche n'est qu'un détail de l'histoire. je vous embrasse.
Armand

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